Dans cet essai, Jean-Michel Rabaté montre que le mensonge est intimement lié au paradoxe, donc voué de manière structurelle à la contradiction, tant dans ses manifestations sociales que politiques et philosophiques. Pour expliquer et mettre en scène les paradoxes du mensonge, l?auteur prend comme point de départ le champ de la politique et des médias aux États-Unis, lieu où l?on observe une grande fascination pour ce thème. Il expose brillamment l?attitude de Clinton et de Bush face au mensonge privé ou d?État, avant d?aborder des cas célèbres de journalistes ou d?écrivains. Les témoignages de Steve Glass, Lauren Slater et, par l?intermédiaire du livre d?Emmanuel Carrère (L?adversaire), de Jean-Claude Romand apportent d?autres perspectives sur la pratique du mensonge. Celui-ci ne peut se réduire à une contradiction entre un certain discours et la réalité des faits. Il faut combiner d?autres critères pour comprendre les logiques du mensonge contemporain : il y a d?abord le test de la réalité, toujours indispensable, même si cela reste souvent un point d?indécidabilité ; il y a ensuite l?intention de tromper, sans laquelle, comme disait saint Augustin, on ne peut parler de mensonge puisqu?on peut toujours mentir en disant la vérité factuelle ; enfin, il y a le mensonge réflexif, c?est-à-dire l?erreur sur soi-même, la méconnaissance produite par l?inconscient qui sous-tend erreurs, lapsus et actes manqués. Il conclut de manière paradoxale sur l?affirmation conjointe de l?inévitabilité et l?inexcusabilité du mensonge. Jean-Michel Rabaté nous livre ici une belle synthèse, remarquablement claire, entre une réflexion politique et une interrogation philosophique.