Quelque part, dans la touffeur de ce que l’on devine être une forêt tropicale d’Amérique latine, mille hommes s’apprêtent à prendre la route pour rejoindre à Iquita le reste de leur unité. Mais ce soir-là, alors qu’on célèbre sous une tente l’anniversaire du général Soledad, une sentinelle alerte l’aide de camp que cinq feux brûlent à l’horizon.
Est-ce l’oeuvre des insurgés ? des Indiens ? Le général est fasciné. Tandis que survient l’aube, il prend une décision cruciale : Iquita et la campagne menée contre Bolivar attendront, il faut traverser la jungle et suivre la route des flammes hypnotiques. À Iquita, le général San Martinez, qui dirige l’autre partie de l’armée espagnole s’inquiète. Attaques ennemies ? Désertion ? L’immobile général de garnison attend et songe à celui dont il fut autrefois l’ami fidèle, ce temps d’avant l’apparition d’une certaine Maria-Elena, figure envoûtante qui marqua la division cruelle entre les deux hommes. De cette histoire, le lecteur ne saura rien.
La fièvre d’absolu de Soledad a conduit la troupe à sa perte. L’horizon de feu n’a fait que reculer à mesure que la troupe s’est avancée vers lui. Une parcelle des plateaux a été élue par le général pour y bâtir une cité exempte de femmes et fondée sur l’oubli du passé. Des hommes y sont morts, d’autres y ont perdu la raison. Une fleur, la funeste puya raimondi, accompagnera de son unique floraison la disparition de ce monde né de la folie d’un homme. Et au retour de cette traversée des enfers, on ne rapportera qu’un journal de bord tenu jour après jour et jusqu’à son dernier souffle par Soledad dont San Martinez fera une lecture hypnotique traversée tour à tour par la fureur et l’angoisse, sans y trouver de réponse.
Le Général Solitude fut dans un premier temps une nouvelle, écrite dans les années 1990, puis, investissant des territoires jusqu’alors inexplorés, la nouvelle prit la tournure du roman, un roman vénéneux. Le premier roman d’Éric Faye.