« Le vin ne pouvait pas être pour moi un objet d’écriture – détaché, extérieur – mais un sujet : la part inattendue et peut-être inavouée d’une connaissance de soi. J’ai pris conscience en rédigeant ce texte (nommons-le provisoirement récit) que j’ai dès mon enfance baigné dans la présence du vin et qu’à ce titre il constitue la face d’ombre d’une autobiographie – son tanin en quelque sorte, dont la couleur se mêle aux substances – semblable à un fond de mémoire, mais aussi le fonds commun d’une génération éduquée à la fois dans la méfiance et dans la quotidienne « pratique » du vin. Je ne suis ni particulièrement buveur, ni spécialiste ; né dans un milieu modeste, je n’ai bu dans ma jeunesse que le vin modeste des bouteilles consignées. Je me suis également rendu compte que le vin transportait du langage, non pas tant le langage fleuri des œnologues que cet autre fonds commun de mots et d’images qui se sont logés dans le cellier de la mémoire. Le vin débusqué par l’écriture, ou encore version fluide et parfois opaque des relations que les hommes trament avec leur propre histoire, entre eux ou avec eux-mêmes. »