« Voilà derrière qui je cours : un homme né sage qui s’est un jour mis en tête de découvrir l’Amérique. Celle des invisibles, voix et visages effacés par les logiques institutionnelles. L’Amérique des marges mais aussi de ceux qu’on ne voit plus à force de les croiser tous les jours.
Je cours derrière un homme qui, armé de quatre instruments – une caméra 16 mm pour l’image, une perche pour le son, des ciseaux pour la tension et de la colle pour le sens –, est parti observer comment vivent les hommes. »
À première vue, rien ne semble rapprocher l’écrivaine Constance Rivière du cinéaste américain Frederick Wiseman. Ni l’origine, ni la nationalité, ni l’âge. Est-ce cette profonde différence qui fonde ce livre ?
Ce que cherche Wiseman depuis un demi-siècle, à travers plus de cinquante films documentaires consacrés à la société américaine, c’est la trace que laissent les laissés pour compte, les internés, les victimes de violence conjugale, les exclus du miracle économique, les habitants des cités, mais aussi les membres d’une communauté humaine éparse qui va du petit port de Belfast dans le Maine à la banlieue de Chicago et l’Amérique rurale de l’Indiana.
La fabrique de l’exception humaine. Qu’est-ce qu’on refuse de voir ? Comment dire ce qui se joue hors cadre, sur le théâtre du monde ?
Constance Rivière a voulu voir à son tour ce qui se cachait derrière l’apparente logique des images, quelles histoires pouvaient en naître.
Ni biographie d’un documentariste à l’œil caméra, ni essai sur une humanité à la dérive, le récit de Constance Rivière est un voyage profondément personnel qui ressemble à une filature de détective. Un récit d’apprentissage des temps modernes.
La vie des ombres est un passionnant livre hybride, qui tient parfois de la comédie, parfois de la tragédie, et qui toujours raconte une part de notre humanité.