"Fleur vénéneuse de Saint-Germain-des-Prés"à "Liane noire de nos nuits blanches" : les métaphores les plus extravagantes n'ont jamais manqué sous la plume des chroniqueurs pour évoquer Juliette Gréco. Au point de parfois figer en un stéréotype cette femme toute de liberté, de conviction, d'une insolence qui n'est pas une provocation gratuite mais refus de se plier aux diktats de la mode.
Certes, il en va ainsi des mythes, que la conscience collective s'approprie parce que leur signification déborde l'être qui les incarne. Il n'en est que plus précieux d'entendre le récit vrai de la métamorphose de Jujube - à l'enfance bourgeoise bouleversée par la guerre, la déportation de sa mère et de sa soeur - en Gréco, dans l'attentive affection de Sartre, Queneau, Prévert, Simone de Beauvoir, Mauriac ou Mac Orlan.
Gréco, c'est la chanson bien sûr, et avec quel talent, puis le cinéma, le théâtre, la télévision. Mais c'est d'abord l'amour des mots, des mots désinvoltes ou pudiques, ironiques ou émus, qui dessinent ici, au revers de l'image publique, le tracé d'une vie insolite, secrète et chaleureuse. Comme elle.