« Non, merci. De sa main effleurer le col du verre pour le refermer ne pas boire tout, trop tout de suite. » Une femme est tout au bord de son abandon. Une femme au plus près d?un homme, dans un festin qui se tisse de silences, de mots, de mets et de vin, ce vin même qu?elle sait être le symbole d?un égarement qu?elle convoite et qu?elle craint. Car le vin n?est-il pas à l?image de cette caresse intérieure, la seule capable de laisser dans la mémoire l?absolu de l?amour et de chavirer une vie ? L?homme se doute-t-il que derrière le beau visage de sa convive se joue cette pavane de la peur, du désir et de la langue ? Oui, ce ballet de mystère où les mots fouillent les corps mais n?en sortent pas, ne peuvent en sortir que par fragments, par bribes, par éclats, dans un ordre qui dit le désordre des sens, dans un ordre qui ne peut être que celui du poème, autre grand corps devenu le prolongement de celui des amants. « Le beau poème de Sylvie Gouttebaron dit ce qui confusément s?ébauche en deçà de nos paroles et de nos gestes, lorsque la tentation des caresses se défait de la raison et que le vin devient le corps de nos passions, qu?il les délivre et les unit. » Philippe Claudel