« Durant vingt mois, j'ai été chroniqueur. C'était un genre auquel je ne m'étais jamais risqué. Je m'en méfiais, l'identifiant à ce journalisme d'opinion, de commentaire et de jugement qui égare et dégrade le métier, à rebours du journalisme d'information, froid, distant et tranchant comme le serait une lame aiguisée, qui a ma préférence. J'étais injuste, bien sûr. Très français, le genre n'en est pas moins noble. Camus faisait de ce "journalisme d'idées" l'arme idéale du "journalisme critique" et le "Bloc-notes" de Mauriac reste encore inégalé.
En janvier 2004, je me suis donc résolu à écrire des chroniques en forme d'éditoriaux pour accompagner le lancement du Monde 2. Je les avais appelées "Au vif". Au vif, comme l'on dirait en venir au fait ou rentrer dans le vif du sujet. Jusqu'à mon départ du Monde en septembre 2005, je n'ai pas manqué un seul de ces rendez-vous. Aussi ces textes sont-ils en quelque sorte testamentaires. Ils disent une fin, l'organisent et la préparent. Sous l'actualité apparente qui motivait chacune de ces chroniques, je glissais des repères intimes, signaux d'alarme et avertisseurs d'incendie.
C'est pourquoi, les publiant après un délai de viduité, je les ai titrées Chroniques marranes. Comme ces Juifs qui, sous l'Inquisition, judaïsaient en secret, s'inventant une identité improbable, de mélange assumé et de liberté préservée, je m'y suis amusé à journaliser en secret, laissant entrevoir déjà ce qui n'a pris son sens que bien après, lors de ma rupture définitive. Le lecteur curieux de la presse sera tenté de chercher ces indices. Mais il pourra aussi y trouver un témoignage sur une période politique particulière, moment de transition avant que ne prenne forme le paysage de l'élection présidentielle de 2007. »
En janvier 2004, je me suis donc résolu à écrire des chroniques en forme d'éditoriaux pour accompagner le lancement du Monde 2. Je les avais appelées "Au vif". Au vif, comme l'on dirait en venir au fait ou rentrer dans le vif du sujet. Jusqu'à mon départ du Monde en septembre 2005, je n'ai pas manqué un seul de ces rendez-vous. Aussi ces textes sont-ils en quelque sorte testamentaires. Ils disent une fin, l'organisent et la préparent. Sous l'actualité apparente qui motivait chacune de ces chroniques, je glissais des repères intimes, signaux d'alarme et avertisseurs d'incendie.
C'est pourquoi, les publiant après un délai de viduité, je les ai titrées Chroniques marranes. Comme ces Juifs qui, sous l'Inquisition, judaïsaient en secret, s'inventant une identité improbable, de mélange assumé et de liberté préservée, je m'y suis amusé à journaliser en secret, laissant entrevoir déjà ce qui n'a pris son sens que bien après, lors de ma rupture définitive. Le lecteur curieux de la presse sera tenté de chercher ces indices. Mais il pourra aussi y trouver un témoignage sur une période politique particulière, moment de transition avant que ne prenne forme le paysage de l'élection présidentielle de 2007. »