Il faudrait ne rien savoir de ce livre avant de l’ouvrir, de s’y plonger, de s’immerger dans son millier de pages. Tout argument, tout
résumé, tout jugement porté sur cette oeuvre serait réducteur et terriblement vain.
Marie Billetdoux a réussi en effet à élever un monument considérable : par sa taille et son ampleur bien sûr, par son impudeur et son lot presque extravagant de secrets, petits ou grands, qui nous sont ici dévoilés. C’est encore moi qui vous écris n’est pas un roman, ni un essai, ni un recueil de textes, et encore moins un livre de correspondance. C’est encore moi qui vous écris est tout simplement la preuve qu’il est encore possible au début du xxie siècle d’inventer un nouveau genre littéraire. Voici quarante ans de la vie d’une femme (1968-2008) que l’on découvre lycéenne dans les premières lignes de l’ouvrage et que l’on quittera, mère d’un fils unique de vingt-trois ans et veuve d’un homme tant aimé, à la dernière page. Entre ces deux états on suivra Marie-Raphaële, écrivain dans le succès puis plus tard dans l’échec, cinéaste, journaliste, amoureuse et amoureusement harcelée, amante, maîtresse mais toujours libre. Libre, sauf en un point : la prison familiale. Tant son père dramaturge si enclin au silence que sa mère si bavarde, tant sa soeur qui s’éloigne inexorablement que ses grands-parents aux nombreux mystères.
Ainsi, si tout écrivain a pu rêver de réunir un tel matériau, chaque lecteur, chaque individu, finit par en rêver aussi.
Le voilà, le tour de force de Marie Billetdoux, d’avoir d’une part conservé tous ses écrits de l’âge de dix-sept à cinquante-sept ans, d’avoir dans le même temps gardé précieusement chaque réponse à chacune de ses lettres, d’y avoir mêlé courrier de lecteurs, bulletins scolaires, actes de naissance, de mariage et de décès, critiques de ses livres parues dans la presse, lettres d’avocat, d’admirateurs ou de détracteurs, courrier amoureux, missives attentives et rageuses de la mère et, bien sûr, lettres d’amour fou de Paul (le père de son fils), aujourd’hui disparu.
Cette abondance méritait cependant un classement, un montage, un travail d’écrivain soucieux de sa dramaturgie, du rythme et de sa musique, désireux aussi de rendre chaque expéditeur et chaque destinataire incarné, vivant, de montrer l’évolution de tous ces personnages.
Toute comparaison, on l’aura deviné, paraîtrait saugrenue, voire déplacée. Pourtant, inévitablement, on pense au livre d’Annie Ernaux, Les Années (2007), qui à sa manière revisitait sinon la même époque, en tout cas sa propre vie. Une différence cruciale dans Les Années, pour la première fois Annie Ernaux disait « nous », dans C’est encore moi qui vous écris, Marie Billetdoux va au plus profond du « je » sans le moindre détour, sans la moindre pose. Jamais un écrivain ne nous aura semblé aussi nu, mais aussi fort.
résumé, tout jugement porté sur cette oeuvre serait réducteur et terriblement vain.
Marie Billetdoux a réussi en effet à élever un monument considérable : par sa taille et son ampleur bien sûr, par son impudeur et son lot presque extravagant de secrets, petits ou grands, qui nous sont ici dévoilés. C’est encore moi qui vous écris n’est pas un roman, ni un essai, ni un recueil de textes, et encore moins un livre de correspondance. C’est encore moi qui vous écris est tout simplement la preuve qu’il est encore possible au début du xxie siècle d’inventer un nouveau genre littéraire. Voici quarante ans de la vie d’une femme (1968-2008) que l’on découvre lycéenne dans les premières lignes de l’ouvrage et que l’on quittera, mère d’un fils unique de vingt-trois ans et veuve d’un homme tant aimé, à la dernière page. Entre ces deux états on suivra Marie-Raphaële, écrivain dans le succès puis plus tard dans l’échec, cinéaste, journaliste, amoureuse et amoureusement harcelée, amante, maîtresse mais toujours libre. Libre, sauf en un point : la prison familiale. Tant son père dramaturge si enclin au silence que sa mère si bavarde, tant sa soeur qui s’éloigne inexorablement que ses grands-parents aux nombreux mystères.
Ainsi, si tout écrivain a pu rêver de réunir un tel matériau, chaque lecteur, chaque individu, finit par en rêver aussi.
Le voilà, le tour de force de Marie Billetdoux, d’avoir d’une part conservé tous ses écrits de l’âge de dix-sept à cinquante-sept ans, d’avoir dans le même temps gardé précieusement chaque réponse à chacune de ses lettres, d’y avoir mêlé courrier de lecteurs, bulletins scolaires, actes de naissance, de mariage et de décès, critiques de ses livres parues dans la presse, lettres d’avocat, d’admirateurs ou de détracteurs, courrier amoureux, missives attentives et rageuses de la mère et, bien sûr, lettres d’amour fou de Paul (le père de son fils), aujourd’hui disparu.
Cette abondance méritait cependant un classement, un montage, un travail d’écrivain soucieux de sa dramaturgie, du rythme et de sa musique, désireux aussi de rendre chaque expéditeur et chaque destinataire incarné, vivant, de montrer l’évolution de tous ces personnages.
Toute comparaison, on l’aura deviné, paraîtrait saugrenue, voire déplacée. Pourtant, inévitablement, on pense au livre d’Annie Ernaux, Les Années (2007), qui à sa manière revisitait sinon la même époque, en tout cas sa propre vie. Une différence cruciale dans Les Années, pour la première fois Annie Ernaux disait « nous », dans C’est encore moi qui vous écris, Marie Billetdoux va au plus profond du « je » sans le moindre détour, sans la moindre pose. Jamais un écrivain ne nous aura semblé aussi nu, mais aussi fort.